Accoudée à son pupitre du Collège français de Montréal, Joane Labelle avait déjà le regard souvent tourné vers le lointain. Une attirance qui ne l’a jamais quittée, qu’elle étanche depuis de deux façons: par le voyage et par les arts. Des cours de chant avec Lucille Dumont, au tournant des années 1990, seront d’ailleurs un élément déclencheur: on peut voyager par la voix, réalise-t-elle. Elle s’embarque aussitôt sur les mers de la chanson.
La carrière démarre vite, alors qu’elle est encore dans la jeune vingtaine. Vite et fort, puisque l’album Histoire sans retour, lancé en 1991, touche le Québec droit au cœur et sera certifié disque d’or quelques mois plus tard (plus de 50000 exemplaires vendus). On a tous encore dans l’oreille «J’ai dû partir», «Prends ma main», ou encore son irrésistible reprise de «La vie en rose», une chanson de Gilles Valiquette. Deux #1 en radio, trois nominations à l’ADISQ, une percée jusqu’au Japon avec l’extrait «J’ai dû partir»: ce premier opus, réalisé par Christian Péloquin, marque le début d’une authentique histoire d’amour entre l’artiste et son public.
Perfectionniste autant que passionnée, Joane Labelle va parfaire son art vocal auprès de Philippe Parent, puis préparer, toujours épaulée du réalisateur Christian Péloquin, La règle du jeu, qui paraît en 1994. Encore là, le succès est au rendez-vous. Trois des chansons s’invitent dans le TOP 10, dont la chanson-titre et «Sans lendemain», écrite par Stéphane Laugier et interprétée en duo avec lui, qui grimpera tout en haut du palmarès.
La trajectoire de Joane Labelle se poursuivra à travers L’autre chemin (1997), un disque réalisé par Serge Perathoner et Laurent Gatignol, sur lequel apparaissent des musiciens de premier plan tels Jannick Top, Claude Salmiéri et Denys Lable. Puis la chanteuse est aspirée par le tourbillon Starmania. En 1998, Joane Labelle incarne en effet Marie-Jeanne, figure centrale du populaire opéra rock de Luc Plamondon et Michel Berger. Elle développe le rôle auprès du metteur en scène Lewis Furey, puis s’engage dans une longue tournée qui la mènera aux quatre coins de l’Europe, avant que le spectacle ne s’installe au Casino de Paris pendant six mois. Elle prendra d’ailleurs part à l’enregistrement de l’album live Starmania – 20e anniversaire, écoulé à plus de 100000 exemplaires.
La parenthèse européenne de Joane Labelle aura finalement duré six ans. «Quand je suis partie, on me disait tu, quand je suis revenue, on me disait vous!» se souvient-elle en riant. Sa curiosité naturelle la conduit alors à explorer de nouveaux registres, celui de la littérature jeunesse par exemple – en 2002 paraît Quand je suis dans la lune, un livre pour enfants écrit en complicité avec l’illustrateur Philippe Germain –, sans compter cette ligne de bijoux et objets souvenirs qu’elle imagine pour la boutique indienne d’une amie (les créations seront vendues jusqu’en Asie!).
Les années suivantes, qu’elle qualifie de pause volontaire, sont marquées par les voyages, qui la mènent des capitales européennes aux îles Turquoises, en passant par New York et le quartier de SOHO, où elle séjourne plusieurs mois. La période est riche en lectures (Gabriel García Márquez, J. D. Salinger) et en écoute des immortels de la chanson que sont Cora Vaucaire, Barbara et Jean-Pierre Ferland, mais aussi des Asa, Feist, Damien Rice… Puis l’auteure-compositrice-interprète ressort la guitare et les cahiers, signant une série de nouveaux morceaux riches de ses mille et une expériences de vie.
Septembre 2012. Joane Labelle offre à son public un tout nouvel album, réalisé par Carl Bastien avec, pour trois titres, la collaboration de Marc Déry. Mots à fleur de peau, voix au timbre unique, plus séduisante que jamais: toutes les conditions y sont réunies pour faire de la musique un véritable lieu de partage.